Des écarts de salaire hommes femmes dans les entreprises sociales. Un article de Guillaume Chocteau dans la Recma..
Date(s) | 14 décembre 2012 |
Source | source : Lettre d’informations de la Recma. Guillaume Chocteau, délégué général de Ressources Solidaires. |
Thématiques | Economies , Problématiques sociales |
Points de vue
Coveillas trouve particulièrement intéressant et important que Guillaume Chocteau relie dans cet article la question de l’égalité des salaires hommes-femmes avec l’ accumulation de dérives telles que le sous-positionnement des possibles prétendant-e-s au statut cadre, l’intériorisation de la contrainte par certain-e-s, ainsi que la notion de frustration reportée d’étape en étape de la vie professionnelle. Ces réalités sociétales et la nécessité de faire avancer les mentalités par l’exemple à travers la sphère professionnelle ne doivent pas être écartées des questions de gouvernance et de management. Elles concernent les hommes comme les femmes, et restent à prendre en compte dans toutes les formes d’organisation sociale. De l’économie domestique à l’économie classique en passant par l’ESS et vice-versa.
Informations
Malgré un taux de féminisation élevé, les écarts de salaire entre hommes et femmes cadres sont de mises dans l’économie sociale et solidaire. Guillaume Chocteau, délégué général de Ressources Solidaires, propose quelques pistes d’explication.
Je ne serais pas celui qui jettera l’anathème sur le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), suite à l’enquête de l’Agence pour l’emploi des cadres (Apec) sur les salariés de l’ESS. Mais légitimement, nous pouvons nous interroger : pourquoi les écarts de salaire entre hommes et femmes cadres, observés dans l’ensemble du secteur privé, se retrouvent-ils également dans l’ESS -alors même que le taux de féminisation y est très élevé ?
Le salaire des hommes cadres est, dans l’ESS, supérieur, en moyenne, de 21% à celui des femmes cadres, soit un écart identique à celui observé pour les cadres du privé.
La première constatation est que la déclaration de la vertu ne suffit pas, malheureusement. Les bonnes intentions n’ont pas plus permis dans l’ESS que dans les sociétés capitalistes d’apprécier les compétences sans prendre en compte la sexualité du détenteur. Il est complexe de savoir réellement pourquoi un tel écart, mais on peut néanmoins dresser des pistes de réflexion.
L’enquête de l’Apec avance l’idée de parcours différencié entre hommes et femmes. Certes, mais il faut aller plus loin.
L’économie sociale et solidaire est coupée en deux : une économie sociale instituée, institutionnelle, puissante économiquement, intervenant sur les mêmes marchés que les concurrents capitalistes. Et une économie sociale moins instituée, moins puissante économiquement, relevant de missions d’intérêt général, proche des territoires.
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Dans l’économie sociale moins instituée, c’est la notion de "cadre" qu’il faut interroger. Des postes mériteraient d’être cadre, mais faute de financement, sont sous-positionnés. Ce qui provoque à l’inverse, ce que nous appelons "l’intériorisation de la contrainte" qui fait qu’à budget contraint, le salarié ne revendiquera pas une meilleure reconnaissance de ses compétences. Il ira les exprimer ailleurs quand le degré de frustration sera dépassé.
Nous sommes sur un secteur de services, très proche de l’économie domestique, fortement féminisée et aux financements difficiles et externes (subventions, conventionnements...), avec un dialogue social très faible, faute de présence syndicale structurée et souvent en dessous des seuils légaux de représentation. La première priorité est de payer les salariés, et si on peut aller plus loin, tant mieux. La taille des structures, majoritairement associative, permettra difficilement une politique RH.
Nous avons donc d’un côté un pan de l’économie sociale qui pratique des politiques de ressources humaines (RH) proches de celles du secteur capitaliste. Il subit les mêmes influences et les mêmes contraintes. Et de l’autre, un pan qui peine à reconnaître le statut de cadre, soit par culture, soit par économie.
Alors que faire ? La politique de gestion RH ne peut être déconnectée des courants sociétaux. Les avancées sur l’image des femmes, la place du père et les relations hommes-femmes dans la société ne pourront que permettre le développement de politiques RH égalitaires et la disparition des écarts salariaux. Le tout suivi par les partenaires sociaux dans le cadre des concertations transversales. Et par des réflexions et des actions sur un management différent des entreprises non lucratives ou lucratives restreintes. Car on ne gère pas une entreprise d’ESS comme les autres...
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